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Pédophilie dans l’église et secret pontifical

Pédophilie dans l’Église et secret pontifical : textes et contexte

 

Un siècle d’instructions secrètes imposant à la justice de l’Église un secret maximal pour les dénonciations de délits et crimes pédophiles

Association C’est à dire – 31 octobre 2021, révisé le 25 janvier 2022

 

Le 17 décembre 2019 le journal la Croix titrait : « abus sexuels sur mineur : le pape François abolit le secret pontifical ». En effet par une instruction publique sur la confidentialité des procédures judiciaires en date du 6 décembre 2019 le Vatican mettait fin à près d’un siècle d’instructions secrètes imposant aux tribunaux ecclésiastiques recevant les plaintes d’abus sexuels sur mineur un secret maximal et perpétuel. La seconde instruction, celle du 16 mars 1962, est aujourd’hui publique. On peut la trouver (le 31 octobre 2021) sur le site vatican.va, en langue anglaise, en tapant Vatican polyglot press Crimen Sollicitationis. Le texte est donné ici dans une traduction en français, ainsi que le rescrit d’abolition du 6 décembre 2019. Le texte de 1962 est réputé identique à un premier texte du 9 juin 1922, avec l’ajout d’annexes et une diffusion un peu plus large. Le texte de 1922, le premier qui place les plaintes concernant les abus sexuels sur mineurs des clercs sous ce secret spécial, est pour l’heure introuvable.

Nous donnons ici quelques éléments de contexte et de réflexion.

1.     Justice de l’Église et justice de l’État

En France et de façon générale en Europe occidentale le christianisme a été très longtemps la religion de l’État. Au quatrième siècle l’empire romain a fait du christianisme sa religion. En France, « fille aînée de l’Église », avec des évolutions et quelques vicissitudes, cette situation a perduré jusqu’en 1905, c’est-à-dire jusqu’à la loi de séparation de l’Église et de l’État.

L’Église catholique, comme l’État, a un droit et une juridiction. Les domaines d’intervention sont cependant bien différents, et en quelque sorte disjoints. L’Église n’a pas la capacité d’infliger les peines que peut infliger l’État, telles des peines de prison. Elle ne se saisit pas des mêmes causes. Elle juge des questions religieuses et inflige des peines religieuses. Dans le code de droit, droit dit « canonique », actuellement en vigueur les peines possibles sont énumérées limitativement au livre VI première partie, titre IV chapitre II. Les peines « expiatoires » sont essentiellement « la privation d’un pouvoir, d’un office, d’une charge, d’un droit, d’un privilège, d’une faculté, d’une faveur, d’un titre, d’une marque de distinction même purement honorifique » et le « renvoi de l’état clérical ». Il s’agit de réguler les ministères religieux, ceux des « clercs », évêques, prêtres et diacres, en répondant à des manquements par des restrictions à l’exercice normal des ministères ou par le renvoi de l’état clérical. Dans ce dernier cas le clerc perd alors toutes ses fonctions. Il existe également des peines appelées « censures », de nature plus spirituelle. L’excommunication peut concerner tous les baptisés et donc les clercs et exclut la personne de la communauté chrétienne et catholique ; la suspense ne concerne que les clercs et les prive de tout ou partie de leurs fonctions et attributions. Ces peines de « censures » peuvent être encourues automatiquement, donc sans jugement, du seul fait des actes posés.

Le code de droit canonique a été modifié le 8 décembre 2021, avec un aménagement des peines expiatoires (au chapitre II susmentionné). Dans la partie II du même livre au titre VI la mention explicite de peines en cas d’abus sexuels sur mineurs et personnes vulnérables a été ajoutée : « le clerc sera puni de la privation de l’office et d’autres justes peines, y compris, si cest le cas, le renvoi de l’état clérical ». Ces peines s’appliquent désormais également « aux membres d’un institut de vie consacrée ou dune société de vie apostolique, et à n’importe quel fidèle qui jouit d’une dignité ou accomplit un office ou une fonction dans l’Église ». La modification, qui intervient donc après la levée du secret pontifical sur ces affaires, élargit le périmètre des infractions et prévoit explicitement des peines, qui restent néanmoins limitées. L’articulation avec les autorités judiciaires de l’État n’est pas mentionnée à cet endroit-là.

Un tribunal ecclésiastique existe dans chaque diocèse et l’évêque en charge du diocèse, appelé « l’Ordinaire », est le président du tribunal diocésain. Il s’entoure des différentes fonctions nécessaires pour administrer la justice.

Lorsque l’État avait fait du christianisme sa religion les juridictions de l’Église et de l’État étaient en situation de coopérer. En effet les causes peuvent être communes. C’est typiquement le cas lorsqu’un clerc commet un crime ou un délit au sens de la justice de l’Église et de la justice de l’État.

2.     La sortie de la religion d’État

En France au sortir de la Révolution l’Église catholique était presque anéantie. Bonaparte rétablit la paix civile en signant avec l’Église un nouveau Concordat, en 1801. Au XIXe siècle s’établit une dualité entre la France catholique, redevenue influente, et une France réticente vis-à-vis de l’Église catholique. C’est dualité s’est exercée notamment dans le domaine de l’éducation, et s’est aggravée à la fin du siècle. L’instruction publique « laïque » et les congrégations enseignantes catholiques se sont trouvées face-à-face. Entre 1880 et 1903 le gouvernement français prend différentes mesures d’expulsion des congrégations. En 1904 les relations diplomatiques sont rompues entre le Vatican et la République française. Elles sont rétablies en 1920, dans le contexte de séparation entre l’Église et l’État.

Dans cette longue crise portant sur l’enseignement en France la question de la pédophilie comparée des enseignants de l’instruction publique et des congrégations religieuses a été un sujet alimentant la controverse. Je cite l’ouvrage On savait mais quoi ? – La pédophilie dans l’Église de la Révolution à nos jours de Claude Langlois, Paris, Seuil, 2020, pp. 64-66 :

« La pédophilie […] occupe une place de choix dans des dénonciations réitérées (des congrégations enseignantes) […] Que faut-il retenir de cette âpre et longue dénonciation des méfaits cléricaux ? D’abord […] une réalité contrastée que confirment les enquêtes judiciaires […] Ce combat est alimenté par le Compte général de l’administration de la justice, qui recense tous les ans, depuis la Restauration, les crimes et délits par catégories de population et qui a introduit en 1867 une nouveauté en distinguant les instituteurs laïques des frères enseignants. La polémique, nourrie de ces statistiques, aurait dû s’arrêter en 1904, quand la loi a interdit l’enseignement à tous les congréganistes : le combat cessait en effet faute d’une partie des combattants. Il n’en a rien été. »

 

L’instruction secrète de 1922 s’inscrit donc en France dans un contexte nouveau de séparation de l’Église et de l’État, par conséquent d’absence de coopération organisée entre les juridictions de l’Église et de l’État, dans un pays avec une tradition catholique de premier plan, et de sortie d’une crise très grave où la question de la pédophilie avait joué un rôle.

En Italie le conflit entre le Vatican et l’État est résolu par les accords de Latran, en 1929, mais avec un État fasciste. Le communisme s’est implanté à l’Est de l’Europe. Après 1945 l’Union soviétique étendra son pouvoir en Europe dans des pays ayant une nombreuse population catholique.  Après la chute de l’Union soviétique, en 1991, il devient plus difficile de trouver des motifs géopolitiques au secret exceptionnel imposé en 1922.

3.     Le secret et ses conséquences

La confidentialité est de mise dans les procédures judiciaires. Le droit de l’Église, dans ses dispositions publiques, règle cette confidentialité. Il s’agit d’un secret « professionnel », qualifié ainsi par le rescrit de 2019.

Les Instructions secrètes de 1922 imposent un secret exceptionnel et permanent à toutes les parties prenantes, y compris les plaignants, avec pour ces derniers des aménagements dans les dernières années. Le secret s’applique à partir de la dénonciation, avant, pendant et après le procès éventuel. La charge maximale est sur le personnel permanent des tribunaux et sur l’évêque diocésain président du tribunal, responsable donc des procédures et destinataire des Instructions. Ils encourent l’excommunication automatique si le secret n’est pas gardé. C’est la peine spirituelle maximale que l’évêque de Rome peut infliger.

Entre 1922 et 2019 la science et la société ont évolué sur la question des abus sexuels sur mineurs. Le « stress post traumatique » est entré dans le manuel des troubles mentaux dans les années 90. En France la prescription s’est allongée pour les crimes et délits de pédophilie, et le nombre de cas portés devant la justice de l’État a augmenté. La position du secret maximal et permanent n’a pu que contribuer à rendre les procédures canoniques problématiques, à figer les mentalités et à bloquer les évolutions nécessaires. Dans un mouvement initié en septembre 2019 par le diocèse de Paris les juridictions diocésaines ont commencé à s’articuler avec la justice de l’État, en considérant qu’elles n’avaient pas les ressources et compétences nécessaires pour mener à bien les enquêtes.

4.     Les textes pontificaux publics et ceux encore secrets

L’Instruction de 1962 est aujourd’hui publique, et accessible sur le site du Vatican comme nous l’avons indiqué en introduction, en langue anglaise. Nous proposons ici une traduction en français. Le secret imposé par l’Instruction a été aboli pour les cas de pédophilie par un « rescrit », également accessible sur le site du Vatican (le 31 octobre 2021) en tapant « liste complète des documents de la Congrégation pour la doctrine de la foi » et en allant à la date du 6 décembre 2019. Il est proposé en anglais et dans trois autres langues mais il ne l’est pas en français. Nous proposons ici une traduction en français de ce court texte et des parties d’autres textes auxquels il fait référence.

L’Instruction de 1962 est publiée sans ses annexes. Il serait utile de disposer des annexes, pour pouvoir étudier complètement cette question. Il serait également utile d’avoir le texte de 1922, qui est pour l’heure (le 31 octobre 2021) introuvable. Toutes les indications affirment que les deux textes sont identiques. Ces textes sont généralement désignés sous le nom de Crimen sollicitationis.

Une lettre du 18 mai 2001, généralement désignée sous le nom de De gravioribus delictis et publique dès l’origine, mentionne l’Instruction Crimen sollicitationis et le « secret pontifical » attaché notamment aux crimes d’abus sexuels sur mineurs, mais ne donne pas de précisions sur ce secret. Il faut lire l’Instruction de 1962 pour avoir ces précisions. Nous avons mis en couleur violette les parties de cette Instruction qui traitent du secret et des abus sexuels sur mineurs.

L’Instruction nomme le secret « secret du Saint-Office ». Entre 1962 et 2001 le « secret du Saint-Office » est devenu le « secret pontifical ». En 2010 des textes ont étendu le périmètre des infractions concernées aux abus sexuels sur adultes vulnérables et à la détention d’images pédopornographiques. Ils ont aménagé le secret pour permettre dans certains cas la coopération des tribunaux avec la juridiction d’État. Néanmoins le « secret maximal » sur les procédures ecclésiales, tel que mis en place par l’Instruction secrète de 1922, réimposé par l’Instruction secrète de 1962 et réaffirmé en 2001 par le Vatican est resté substantiellement en vigueur jusqu’en 2019, notamment pour ses effets sur les évêques et les tribunaux.

A partir du voyage du pape au Chili, en janvier 2018, une évolution s’est faite jour, avec la « lettre de pape François aux évêques du Chili », le 8 avril 2018, puis la « lettre du pape François au peuple de Dieu », le 20 août 2018, et le Motu proprio Vos estis lux mundi du 7 mai 2019, un beau texte mais qui reste encore largement à mettre en œuvre. Cette évolution a conduit en l’espace de deux ans au rescrit du 6 décembre 2019.

5.     Conclusion

Nous mettons ici met à disposition des lecteurs francophones les principaux textes relatifs au secret des procédures qui a pesé universellement sur la juridiction de l’Église de 1922 à 2019. Nous les avons brièvement présentés et commentés et avons donné des éléments de contexte simples.

Le caractère maximal et extraordinaire de ces règles et leur durée, un siècle, peuvent difficilement ne pas avoir eu un impact sur le nombre élevé de victimes sur cette période.

Ce secret ne permettait certainement pas aux ecclésiastiques, informés des agissements pédophiles de clercs ou de responsables d’Église, de saisir la justice civile ou de favoriser de quelque façon que ce soit la divulgation des actes. Ceci privait l’instruction des ressources correspondantes, peut-être les seules à même d’être efficaces. La justice ecclésiastique, mise en situation d’exclusivité pour traiter de ces affaires, pouvait-elle prononcer les peines appropriées et efficaces vis-à-vis des prédateurs sexuels, tel le renvoi de l’état clérical ou religieux ? On peut en douter. Enfin les plaignants, s’adressant de « bonne foi » à l’institution ecclésiastique, ne pouvaient pas savoir, du fait du caractère secret des instructions sur ce « secret pontifical », qu’ils entraient dans une démarche vouée à un silence et à une inefficacité garantis et systémiques.

Traduit de l’anglais par l’association C’est à dire – 31 octobre 2021

 

INSTRUCTION DE LA SUPRÊME ET SACRÉE CONGRÉGATION DU SAINT-OFFICE ADRESSÉE À TOUS LES PATRIARCHES, ARCHEVÊQUES, ÉVÊQUES ET AUTRES ORDINAIRES LOCAUX « AUSSI DU RITE ORIENTAL » SUR LA MANIÈRE DE PROCÉDER DANS LES CAUSES DE SOLLICITATION

 

Presse polyglotte du Vatican, 1962

 

INSTRUCTION

Sur la manière de Procéder dans les Causes

impliquant le Crime de Sollicitation

 

A CONSERVER SOIGNEUSEMENT DANS LES ARCHIVES SECRÈTES

DE LA CURIE POUR USAGE INTERNE.

 

NE PAS PUBLIER OU COMMENTER

 

QUESTIONS PRÉLIMINAIRES

 

  1. Le crime de sollicitation se produit chaque fois qu’un prêtre – que ce soit dans l’acte même de la confession sacramentelle, ou avant ou immédiatement après la confession, à l’occasion ou sous prétexte de la confession, ou même en dehors de la confession [mais] dans un confessionnal ou un autre lieu assigné ou choisi pour l’audition des aveux et avec l’apparence d’y entendre des confessions – a tenté de solliciter ou de provoquer un pénitent, quel qu’il soit, à des actes immoraux ou indécents, que ce soit par des paroles, des signes, des hochements de tête, des attouchements ou un message écrit, à lire soit à ce moment-là, soit après, ou qu’il a osé avec impudence avoir des conversations ou des interactions inappropriées et indécentes avec cette personne (Constitution Sacramentum Poenitentiae, §1).
  2. La poursuite en première instance de ce crime inqualifiable appartient aux Ordinaires locaux sur le territoire desquels l’accusé a sa résidence (voir ci-dessous, nos 30 et 31), non seulement de plein droit mais aussi par délégation spéciale du Siège Apostolique ; et il leur est enjoint, par une obligation gravement contraignante en conscience, de faire en sorte que désormais les causes de ce genre soient introduites, traitées et conclues le plus tôt possible devant leur propre tribunal. Néanmoins, pour des raisons particulières et graves, conformément à la norme du Canon 247, §2, ces causes peuvent aussi être déférées directement à la Sacrée Congrégation du Saint-Office, ou rappelées à elle par la même Sacrée Congrégation. Les accusés conservent le droit, à n’importe quel stade de jugement, d’avoir recours au Saint-Office ; mais ce recours ne suspend pas, sauf s’il s’agit d’un appel, l’exercice de la juridiction d’un juge qui a déjà commencé à entendre la cause. Le juge peut donc continuer à entendre la cause jusqu’à la sentence définitive, à moins qu’il n’ait constaté que le Siège Apostolique a rappelé la cause à lui (cf. Canon 1569).
  3. Le terme « Ordinaires locaux » désigne ici, chacun pour son territoire : les évêques de résidence, les abbés ou les prélats nullius, les administrateurs, les vicaires et les préfets apostoliques, ainsi que tous ceux qui, en leur absence, prennent temporairement leur place dans le gouvernement en application de la loi ou par des constitutions approuvées (Can. 198, §1). Le terme n’inclut cependant pas les Vicaires Généraux, sauf par délégation spéciale.
  4. L’Ordinaire du lieu est juge dans ces causes pour les Religieux aussi, y compris les Religieux exemptés. Il est en effet strictement interdit à leurs Supérieurs de s’impliquer dans des causes relevant du Saint-Office (Canon 501, §2). Néanmoins, sans préjudice du droit de l’Ordinaire, cela n’empêche pas les Supérieurs eux-mêmes, s’ils découvrent qu’un de leurs sujets a commis un crime dans l’administration du sacrement de pénitence, de pouvoir et de devoir exercer sur lui une vigilance ; pour l’admonester et le corriger, aussi au moyen de pénitences salutaires ; et, le cas échéant, de l’écarter de quelque ministère que ce soit. Ils pourront également le transférer dans un autre lieu, à moins que l’Ordinaire du lieu ne l’interdise dans la mesure où une plainte a déjà été reçue et une enquête ouverte.
  5. L’Ordinaire du lieu peut soit présider lui-même ces causes, soit les confier à une autre personne, à savoir un ecclésiastique prudent et mûr. Mais il ne peut le faire habituellement, c’est-à-dire pour toutes ces causes ; au lieu de cela, une délégation écrite distincte est nécessaire pour chaque cause individuelle, compte dûment tenu de la prescription du Canon 1613, §1.
  6. Bien que, pour des raisons de confidentialité, un juge unique soit ordinairement prescrit pour des causes de ce genre, dans les cas plus difficiles, il n’est pas interdit à l’Ordinaire de nommer un ou deux assesseurs consultants, choisis parmi les juges synodaux (Canon 1575) , ou encore de commettre une cause devant être entendue par trois juges, également choisis parmi les juges synodaux, avec mandat de procéder collégialement selon la norme du canon 1577.
  7. Le promoteur de justice, l’avocat de l’accusé et le notaire – qui doivent être des prêtres prudents, d’âge mûr et de bonne réputation, docteurs en droit canonique ou autrement experts, d’un zèle avéré pour la justice (Canon 1589) et sans rapport avec l’accusé de l’une des manières énoncées au Canon 1613 – sont nommés par écrit par l’Ordinaire. Le promoteur de justice, cependant (qui peut être différent du promoteur de justice de la Curie), peut être désigné pour toutes les causes de ce genre, mais l’avocat de l’accusé et le notaire doivent être désignés pour chaque cas particulier. Il n’est pas interdit à l’accusé de proposer un avocat qui soit acceptable pour lui (canon 1655) ; celui-ci, cependant, doit être prêtre, et doit être approuvé par l’Ordinaire.
  8. Dans les occasions (précisées ci-après) où l’intervention du promoteur de justice est requise, s’il n’a pas été cité, les actes sont considérés comme nuls à moins que, bien que non cité, il ait été effectivement présent. Si toutefois le promoteur de justice a été légitimement cité, mais n’était pas présent pendant une partie de la procédure, les actes seront valables, mais ils seront soumis ultérieurement à son examen complet, afin qu’il puisse constater et proposer, soit oralement soit par écrit, ce qu’il juge nécessaire ou approprié (Canon 1587).
  9. D’autre part, il est requis, à peine de nullité, que le notaire soit présent pour l’ensemble des procédures, et les enregistre de sa propre main ou au moins les signe (Canon 1585, § 1). Cependant, en raison de la nature particulière de ces procédures, l’Ordinaire a le droit, pour un motif raisonnable, de se dispenser de la présence du notaire pour recevoir les dénonciations, comme il sera précisé ci-dessous ; dans l’accomplissement des soi-disant « diligences » ; et en interrogeant les témoins qui ont été appelés.
  10. Aucun personnel inférieur ne doit être employé, sauf ceux qui sont absolument nécessaires ; ceux-ci sont à choisir, dans la mesure du possible, dans l’ordre des prêtres, et en tout cas ils doivent être de fidélité prouvée et au-dessus de toute exception. Il est à noter, cependant, qu’en cas de besoin, des non-sujets résidant sur un autre territoire peuvent également être désignés pour recevoir certains actes, ou l’Ordinaire de ce territoire peut être invité à le faire (Can. 1570, §2), toujours en respectant les précautions mentionnées ci-dessus et dans le Canon 1613.
  11. Cependant, étant donné que, dans le traitement de ces causes, il faut montrer plus que d’habitude le soin et le souci qu’elles soient traitées avec la plus grande confidentialité, et que, une fois décidées et la décision exécutée, elles soient couvertes d’un silence permanent (Instruction du Saint-Office, 20 février 1867, n° 14), toutes les personnes associées de quelque manière que ce soit au tribunal, ou ayant connaissance de ces matières en raison de leur fonction, sont tenues d’observer inviolablement la plus stricte confidentialité, communément appelée le secret du Saint-Office, en toutes choses et avec toutes les personnes, sous peine d’encourir l’excommunication automatique, ipso facto et non déclarée, réservé à la seule personne du Souverain Pontife, à l’exclusion même de la Sacrée Pénitencerie. Les Ordinaires sont liés par cette même loi, c’est-à-dire en vertu de leur propre fonction ; les autres personnels sont tenus en vertu du serment qu’ils doivent toujours prêter avant d’entrer en fonctions ; et, enfin, les délégués, interrogés ou informés [hors tribunal], sont tenus en vertu du précepte qui leur est imposé dans les lettres de délégation, d’enquête ou de renseignement, avec mention expresse du secret du Saint-Office et de la censure susmentionnée.
  12. Le serment mentionné ci-dessus, dont la formule se trouve à l’Annexe de la présente Instruction (Formule A), doit être prêté – une fois pour toutes par ceux qui sont nommés d’habitude, mais à chaque fois par ceux qui ne sont délégués que pour un une seule affaire ou cause – en présence de l’Ordinaire ou de son délégué, sur les Saints Évangiles de Dieu (y compris les prêtres) et non de toute autre manière, avec une promesse supplémentaire d’accomplir fidèlement leurs devoirs ; l’excommunication précitée ne s’étend toutefois pas à ces derniers. Ceux qui président à ces causes doivent veiller à ce que personne, y compris le personnel du tribunal, n’ait connaissance des affaires, sauf dans la mesure où leur rôle ou leur tâche l’exige nécessairement.
  13. Le serment de garder la confidentialité doit toujours être prêté dans ces causes, également par les accusateurs ou les plaignants et les témoins. Ces personnes, cependant, ne sont soumises à aucune censure, à moins qu’elles n’en aient été expressément averties dans les procédures d’accusation, de déposition ou d’interrogatoire. L’accusé doit être très gravement admonesté qu’il doit lui aussi garder la confidentialité à l’égard de toutes les personnes, à l’exception de son avocat, sous peine de suspense a divinis, à encourir ipso facto en cas de violation.
  14. Enfin, en ce qui concerne la rédaction des actes, la langue utilisée, leur confirmation, leur conservation et leur éventuelle nullité, les prescriptions respectives des canons 1642-43, 379-80-81-82 et 1680 doivent être intégralement respectées.

 

TITRE UN

LA PREMIÈRE NOTIFICATION DU CRIME

 

  1. Le crime de sollicitation est ordinairement commis en l’absence de témoins ; par conséquent, de peur qu’il ne demeure presque toujours caché et impuni avec un préjudice inestimable pour les âmes, il a fallu obliger la seule personne habituellement au courant du crime, à savoir le pénitent sollicité, de le révéler par une dénonciation imposée par le droit positif. Par conséquent :
  2. « Conformément aux Constitutions apostoliques et notamment à la Constitution de Benoît XIV Sacramentum Poenitentiae du 1er juin 1741, le pénitent doit dénoncer un prêtre coupable du crime de sollicitation en confession à l’Ordinaire du lieu ou à la Sacrée Congrégation du Saint-Office dans un délai d’un mois; et le confesseur doit, par une obligation gravement contraignante en conscience, avertir le pénitent de ce devoir. » (Canon 904).
  3. Par ailleurs, à la lumière du Canon 1935, tout fidèle peut toujours dénoncer un crime de sollicitation dont il a une certaine connaissance ; en effet, il y a un devoir urgent de faire une telle dénonciation chaque fois qu’on y est contraint par la loi naturelle elle-même, en raison d’un danger pour la foi ou la religion, ou de quelque autre mal public imminent.
  4. « Un fidèle qui, en violation de la prescription (précitée) du Canon 904, méconnaît sciemment l’obligation de dénoncer dans le mois la personne par laquelle il a été sollicité, encourt une excommunication latae sententiae non réservée, qui ne doit être levée qu’après qu’il ou elle ait satisfait à l’obligation ou promis sérieusement de le faire » (Can. 2368, § 2)
  5. La responsabilité de faire la dénonciation est une responsabilité personnelle, et elle incombe normalement à la personne elle-même qui a été sollicitée. Mais si elle est empêchée par de très graves difficultés de le faire elle-même, alors elle s’adressera à l’Ordinaire ou à la Sacrée Congrégation du Saint-Office ou à la Sacrée Pénitencerie, soit par lettre, soit par l’intermédiaire d’une autre personne qu’elle aura choisie, en décrivant toutes les circonstances (Instruction du Saint-Office, 20 février 1867, n° 7).
  6. Les dénonciations anonymes doivent généralement être ignorées ; elles peuvent cependant avoir une valeur pour corroborer, ou donner lieu à des investigations complémentaires, si des circonstances particulières rendent l’accusation plausible (cf. Can. 1942, §2). 21. L’obligation du pénitent sollicité de faire une dénonciation ne cesse pas par suite d’un éventuel aveu spontané du confesseur solliciteur, ou de sa mutation, promotion, condamnation, modification présumée ou autres motifs de ce genre ; elle cesse cependant à la mort de ce dernier.
  7. Chaque fois qu’il arrive qu’un confesseur ou un autre ecclésiastique soit chargé de recevoir quelque dénonciation, assortie d’instructions sur la procédure à suivre sous forme judiciaire, il doit être expressément averti qu’il doit ensuite tout transmettre immédiatement à l’Ordinaire ou à celui qui l’a délégué, sans en garder lui-même copie ni trace.
  8. En recevant des dénonciations, cet ordre doit normalement être suivi : Premièrement, un serment de dire la vérité doit être prêté par celui qui fait la dénonciation ; le serment doit être prêté en touchant les Saints Évangiles. La personne est alors interrogée selon la formule (Formule E), en veillant à ce qu’elle rapporte, brièvement et convenablement, mais clairement et en détail, tout ce qui relève des sollicitations qu’elle a subies. Il ne faut cependant en aucun cas lui demander si elle a consenti à la sollicitation ; en effet, elle doit être expressément avisée qu’elle n’est pas tenue de faire connaître le consentement qu’elle aurait pu donner. Les réponses, non seulement en ce qui concerne leur substance mais aussi le libellé même du témoignage (Canon 1778), doivent être immédiatement mises par écrit. L’intégralité de la transcription doit ensuite être relue d’une voix claire et distincte à l’auteur de la dénonciation, lui donnant la possibilité d’ajouter, de supprimer, de corriger ou de modifier quoi que ce soit. Sa signature est alors à exiger ou bien, s’il est incapable ou ne sait pas écrire, un « x ». Pendant qu’il est encore présent, celui qui reçoit le témoignage, ainsi que le notaire, s’il est présent, apposent leurs signatures (cf. n° 9). Avant que celui qui dénonce ne soit renvoyé, il doit prêter le serment de confidentialité, comme ci-dessus, le cas échéant sous peine d’excommunication réservée à l’Ordinaire du lieu ou au Saint-Siège (cf. n° 13).
  9. Si, à l’occasion, cette procédure ordinaire ne peut être suivie pour des raisons graves toujours expressément indiquées dans les actes, il est permis d’omettre l’une ou l’autre des formes prescrites, mais sans préjudice du fond. Ainsi, si le serment ne peut être prêté sur les Saints Évangiles, il peut l’être d’une autre manière, et même seulement verbalement. Si le texte de la dénonciation ne peut être écrit immédiatement, il peut être déposé à un moment et à un endroit plus appropriés par le destinataire ou celui qui fait la dénonciation, en présence du destinataire. Si le texte lui-même ne peut pas être relu à l’accusateur, il peut lui être donné à lire.
  10. Dans les cas plus difficiles, cependant, il est également permis que la dénonciation – avec l’autorisation préalable de l’accusateur, de peur que le sceau sacramentel ne paraisse violé – soit reçue par un confesseur dans les lieux même de la confession. Dans ce cas, si la dénonciation ne peut être faite immédiatement, elle doit être écrite à domicile par le confesseur ou l’accusateur lui-même, et à une autre date, lorsque les deux se retrouveront sur le lieu de la confession, elle sera relue ou remise pour lecture, puis confirmée par l’accusateur avec le serment et sa propre signature ou la marque d’une croix (à moins qu’il ne soit totalement impossible de les apposer). Une mention expresse de toutes ces choses doit toujours être faite dans les actes, comme cela a été dit dans le numéro précédent.
  11. Enfin, si une raison des plus graves et absolument extraordinaire l’exige, la dénonciation peut également être faite par un procès-verbal rédigé par l’accusateur, pourvu toutefois qu’il soit ultérieurement confirmé par serment et signé en présence de l’Ordinaire du lieu ou son délégué et le notaire, si ce dernier est présent (cf. n° 9). Il en va de même pour une dénonciation informelle, faite par lettre par exemple, ou oralement de manière extrajudiciaire.
  12. Une fois la dénonciation reçue, l’Ordinaire est tenu par une grave obligation de la communiquer dans les plus brefs délais au promoteur de justice, qui doit déclarer par écrit si le crime spécifique de sollicitation, tel qu’il est énoncé au n. 1 ci-dessus, est présent dans le cas particulier, et, si l’Ordinaire n’est pas d’accord avec cela, le promoteur de justice doit renvoyer l’affaire au Saint-Office dans les dix jours.
  13. Si, au contraire, l’Ordinaire et le promoteur de justice sont d’accord, ou, en tout cas, si le promoteur de justice ne recourt pas au Saint-Office, alors l’Ordinaire, s’il a déterminé que le délit spécifique de sollicitation n’était pas présent, doit ordonner le dépôt des actes dans les archives secrètes, ou exercer ses droits et devoirs en fonction de la nature et de la gravité des faits signalés. Si, en revanche, il est parvenu à la conclusion que [le crime] était présent, il doit immédiatement procéder à l’enquête (cf. Can. 1942, §1).

 

TITRE DEUX

LE PROCESSUS

Chapitre I – L’enquête

  1. Lorsque, à la suite de dénonciations, le crime de sollicitation est signalé, une enquête spéciale doit être menée, « afin de déterminer si l’accusation a un fondement et ce qu’elle peut être » (Canon 1939 , §1); cela est d’autant plus nécessaire qu’un crime de ce type, comme on l’a déjà dit plus haut, est généralement commis en privé, et qu’un témoignage direct à son sujet ne peut être obtenu que rarement, en dehors de la partie lésée. Une fois l’enquête ouverte, si le prêtre accusé est un religieux, l’Ordinaire peut empêcher qu’il soit transféré ailleurs avant la conclusion de la procédure. Une telle enquête doit couvrir trois grands domaines, à savoir : a) les précédents de l’accusé ; b) le bien-fondé des dénonciations ; c) d’autres personnes sollicitées par le même confesseur, ou en tout cas au courant du crime, si celles-ci sont signalées par l’accusateur, comme cela arrive souvent.
  2. En ce qui concerne le premier domaine (a), alors, l’Ordinaire, dès qu’il reçoit une dénonciation du crime de sollicitation, doit – si l’accusé, qu’il soit membre du clergé séculier ou religieux (cf. n° 4 ), a sa résidence sur son territoire – s’enquérir si les archives contiennent d’autres accusations contre lui, même concernant d’autres sujets, et les récupérer ; si l’accusé avait déjà vécu dans d’autres territoires, l’Ordinaire doit également s’enquérir des Ordinaires respectifs et, si l’accusé est un religieux, également de ses supérieurs religieux, s’ils ont quelque chose qui lui soit préjudiciable. S’il reçoit de tels documents, il doit les ajouter aux actes, soit pour porter un jugement unique sur ceux-ci, en raison du contenu commun ou de la connexité des causes (cf. Canon 1567), soit pour établir et évaluer la circonstance aggravante de récidive, selon le sens du canon 2208.
  3. Dans le cas d’un prêtre accusé qui n’a pas de résidence sur son territoire, l’Ordinaire transmettra tous les actes à l’Ordinaire de l’accusé ou, s’il ne sait pas qui cela peut être, à la Suprême et Sacrée Congrégation du Saint-Office, sans préjudice de son droit entre-temps de refuser au prêtre accusé la faculté d’exercer les ministères ecclésiastiques dans son diocèse, ou de révoquer toute faculté déjà accordée, si et quand le prêtre devait entrer ou revenir dans le diocèse.
  4. En ce qui concerne le deuxième domaine (b), le poids de chaque dénonciation, ses particularités et circonstances doivent être médités sérieusement et attentivement, afin de clarifier si et combien de crédit ils méritent. Il ne suffit pas que cela soit fait de quelque manière que ce soit ; cela doit plutôt être exécutée sous une forme certaine et judiciaire, comme le signifie habituellement au Tribunal du Saint-Office l’expression «faire les diligences» (diligentias peragere).
  5. A cet effet, une fois que l’Ordinaire aura reçu toute dénonciation du délit de sollicitation, il convoquera – soit personnellement, soit par l’intermédiaire d’un prêtre spécialement délégué – deux témoins (séparément et avec discrétion), à choisir dans la mesure du possible parmi le clergé, pourtant au-dessus de toute exception, qui connaît bien à la fois l’accusé et l’accusateur. En présence du notaire (cf. n° 9), qui consigne par écrit les questions et réponses, il les met sous serment solennel de dire la vérité et de garder le secret, sous peine, le cas échéant, de l’excommunication réservée à l’Ordinaire du lieu ou au Saint-Siège (cf. n° 13). Il doit ensuite les interroger (formule G) sur la vie, la conduite et la réputation publique de l’accusé et de l’accusateur ; s’ils considèrent l’accusateur digne de foi, ou au contraire capable de mentir, de calomnier ou de parjurer ; et s’ils connaissent des motifs de haine, de dépit ou d’inimitié entre l’accusateur et l’accusé.
  6. Si les dénonciations sont multiples, rien n’empêche d’employer les mêmes témoins pour toutes, ou d’employer des témoins différents pour chacune, mais il faut toujours veiller à avoir la déposition de deux témoins pour le prêtre accusé et chaque accusateur.
  7. Si deux témoins ne peuvent être trouvés, chacun d’eux connaissant à la fois l’accusé et l’accusateur, ou s’ils ne peuvent être interrogés sur les deux en même temps sans danger de scandale ou de perte d’honorabilité, alors les diligences dites divisées (Formule H) sont à effectuer : c’est-à-dire interroger deux personnes sur l’accusé seul, et deux autres sur chaque accusateur individuel. Dans ce cas, cependant, des enquêtes prudentes devront être menées auprès d’autres sources pour savoir si les accusateurs sont affectés par la haine, l’inimitié ou tout autre sentiment contre l’accusé.
  8. Si même des diligences partagées ne peuvent être effectuées, soit parce que des témoins appropriés ne peuvent être trouvés, soit par crainte légitime de scandale ou de perte d’honorabilité, ce [manque] peut être comblé, bien qu’avec précaution et prudemment, par des informations extrajudiciaires, par écrit, concernant l’accusé et les accusateurs et leurs relations personnelles, ou encore par des preuves subsidiaires susceptibles de corroborer ou d’affaiblir l’accusation.
  9. Enfin, en ce qui concerne le troisième domaine (c), si dans les dénonciations, comme il n’est pas rare, d’autres personnes sont nommées qui peuvent également avoir été sollicitées, ou pour une autre raison peuvent apporter des témoignages sur ce crime, elles sont toutes à interroger également, séparément, sous forme judiciaire (Formule I). Il s’agit de les interroger d’abord sur des généralités, puis au fur et à mesure de l’évolution de l’affaire, en descendant vers des détails, si et de quelle manière elles ont été eux-mêmes effectivement sollicitées, ou ont appris ou entendu que d’autres personnes avaient été sollicitées (Instruction de le Saint-Office, 20 février 1867, n° 9).
  10. La plus grande discrétion doit être utilisée pour inviter ces personnes à l’entretien ; il ne conviendra pas toujours de les convoquer dans l’espace public de la chancellerie, surtout s’il s’agit de jeunes filles, de femmes mariées ou de domestiques. Dans de tels cas, il sera plus judicieux de les convoquer discrètement pour un interrogatoire dans les sacristies ou ailleurs (par exemple dans le lieu des confessions), selon l’estimation prudente de l’Ordinaire ou du juge. Si les personnes à examiner vivent dans des monastères ou dans des hôpitaux ou dans des maisons religieuses pour filles, alors elles doivent être appelées avec beaucoup de soin et à des jours différents, selon les circonstances particulières (Instruction du Saint-Office, 20 juillet 1890).
  11. Ce qui a été dit ci-dessus concernant la manière de recevoir les dénonciations doit également s’appliquer, avec les adaptations nécessaires, à l’interrogatoire d’autres personnes [dont les noms ont été] avancés.
  12. Si l’interrogatoire de ces personnes produit des résultats positifs, à savoir que le prêtre visé par l’enquête ou un autre prêtre s’avère impliqué, les accusations doivent être considérées comme de véritables dénonciations au sens propre du terme, et tout ce qui est prescrit ci-dessus en ce qui concerne la définition du crime, l’évocation des précédents et les diligences à effectuer est à mettre en œuvre.
  13. Une fois toutes ces choses ont été faites, l’Ordinaire doit communiquer les actes au promoteur de justice, qui doit vérifier si tout a été fait correctement ou non. Et si [ce dernier] conclut qu’il n’y a rien contre leur acceptation, [l’Ordinaire] déclare clos le processus d’enquête.

Chapitre II – Mesures canoniques et admonestation de l’accusé

  1. Une fois la procédure d’instruction close, l’Ordinaire, après avoir entendu le promoteur de justice, procède comme suit, à savoir : a) s’il est clair que la dénonciation est totalement infondée, il ordonne que ce fait soit déclaré dans les actes et que les pièces d’accusation soient détruites ; b) si la preuve d’un crime est vague et indéterminée, ou incertaine, il ordonne l’archivage des actes, pour qu’ils soient à nouveau évoqués si autre chose devait arriver à l’avenir ; c) si toutefois les preuves d’un crime sont jugées suffisamment graves, mais pas encore suffisantes pour déposer une plainte formelle – comme c’est le cas notamment lorsqu’il n’y a qu’une ou deux dénonciations avec des diligences régulières mais manquant ou contenant des preuves subsidiaires insuffisamment solides (cf. n° 36), ou même lorsqu’il y a plusieurs [dénonciations] mais avec des diligences incertaines ou nulles – il ordonne que l’accusé soit admonesté, selon les différents types de cas (formule M), par un premier ou deuxième avertissement, paternellement, gravement ou très gravement selon la norme du canon 2307, en ajoutant, s’il y a lieu, la menace explicite d’un procès si une autre nouvelle accusation était portée contre lui. Les actes, comme indiqué ci-dessus, doivent être conservés dans les archives, et une vigilance doit être exercée pendant une période à l’égard de la conduite de l’accusé (Canon 1946, §2, n° 2); d) enfin, s’il existe des arguments certains ou du moins probables pour porter l’accusation en jugement, il doit ordonner que l’accusé soit cité et formellement inculpé.
  2. L’avertissement mentionné au chiffre précédent (c) doit toujours être donné de manière confidentielle ; néanmoins elle peut aussi être donnée par lettre ou par un intermédiaire personnel, mais dans chaque cas cela doit être prouvé par un document à conserver dans les archives secrètes de la Curie (cf. Canon 2309, §§ 1 et 5), accompagné des informations sur la manière dont l’accusé l’a accepté.
  3. Si, à la suite du premier avertissement, d’autres accusations sont portées contre le même accusé concernant des actes de sollicitation antérieurs à cet avertissement, l’Ordinaire détermine, en conscience et selon son jugement, si le premier avertissement doit être jugé suffisant ou s’il doit plutôt procéder à un nouvel avertissement, voire à l’étape suivante (Ibidem, §6).
  4. Le promoteur de justice a le droit de faire appel de ces mesures canoniques, et l’accusé a le droit de recourir à la Sacrée Congrégation du Saint-Office dans les dix jours à compter de leur émission ou de leur notification. Dans ce cas, les actes de la cause sont à envoyer à la même Sacrée Congrégation, conformément à la prescription du Canon 1890.
  5. ​​Cependant, ces [mesures], même si elles ont été appliquées, n’éteignent pas une action pénale. Par conséquent, si d’autres accusations sont reçues par la suite, les éléments qui ont motivé les mesures canoniques susmentionnées devront également être pris en compte.

Chapitre III – La mise en accusation

  1. Dès qu’il dispose de preuves suffisantes pour engager une accusation formelle, comme il a été mentionné ci-dessus au numéro 42 (d), l’Ordinaire – après avoir entendu le promoteur de justice et observé, dans la mesure où la nature particulière de ces causes le permet, tout ce qui est prévu au livre IV, titre VI, chapitre II, du code [de droit canonique] concernant la citation et l’indication des actes judiciaires – rend un décret (formule O) citant l’accusé à comparaître devant lui-même ou devant un juge qu’il a délégué (cf. n° 5), pour être inculpé des crimes dont il est accusé ; au tribunal du Saint-Office, cela est communément appelé « soumettre l’accusé aux charges » [Reum constitutis subiicere]. Il veille à ce que le jugement soit communiqué à l’accusé dans les formes prescrites par la loi.
  2. Lorsque l’accusé, cité, a comparu, avant que les charges ne soient formellement portées, le juge l’exhorte d’une manière paternelle et douce à faire des aveux ; s’il accepte ces exhortations, le juge, après avoir convoqué le notaire ou même, s’il l’estime plus approprié (cf. n° 9), sans la présence de ce dernier, reçoit l’aveu.
  3. Dans un tel cas, si l’aveu s’avère, à la lumière de la procédure, substantiellement complet, une fois que le Promoteur de justice a remis un avis écrit, la cause peut être conclue par une condamnation définitive, toute autre formalité étant omise. (voir ci-dessous, chapitre IV). L’accusé doit cependant avoir la possibilité d’accepter cette peine ou de demander le déroulement normal d’un procès.
  4. Si, par contre, l’accusé a nié le crime, ou a fait des aveux qui ne sont pas substantiellement complets, ou même a rejeté une condamnation sommairement prononcée sur la base de ses aveux, le juge, en présence du notaire, lit le décret mentionné ci-dessus au n° 47, et déclare le procès ouvert.
  5. Une fois le procès ouvert, le juge, conformément au Canon 1956, après avoir entendu le promoteur de justice, peut suspendre l’accusé soit complètement de l’exercice du ministère sacré, soit uniquement de l’audition des confessions sacramentelles des fidèles, jusqu’à la conclusion du procès. S’il soupçonne toutefois que l’accusé est capable d’intimider ou de suborner les témoins, ou d’entraver autrement le cours de la justice, il peut également, après avoir entendu à nouveau le promoteur de justice, lui ordonner de se retirer dans un lieu déterminé et d’y rester sous surveillance spéciale (Canon 1957). Il n’y a aucun recours légal contre l’un ou l’autre de ces décrets (Canon 1958).
  6. Ensuite, l’interrogatoire de l’accusé se déroule selon la formule P, le plus grand soin étant pris de la part du juge de ne pas révéler l’identité des accusateurs et surtout des dénonciateurs, et de la part de l’accusé de peur que le sceau sacramentel ne soit violé de quelque manière que ce soit. Si l’accusé, parlant avec véhémence, laisse échapper quelque chose qui pourrait suggérer une violation directe ou indirecte du sceau, le juge ne doit pas permettre que cela soit enregistré par le notaire dans les actes ; et si, par hasard, quelque chose de ce genre a été rapporté à son insu, il doit ordonner, dès qu’il en a connaissance, que cela soit complètement supprimé. Le juge doit toujours se rappeler qu’il ne lui est jamais permis de contraindre l’accusé à prêter serment de dire la vérité (cf. Canon 1744).
  7. Lorsque l’interrogatoire de l’accusé est terminé dans ses moindres détails et que les actes ont été examinés et approuvés par le Promoteur de justice, le juge rend l’arrêté mettant fin à cette phase de la cause (Can. 1860) ; s’il est juge délégué, il transmet tous les actes à l’Ordinaire.
  8. Si, toutefois, l’accusé s’avérait contumace ou, pour des raisons très graves, les accusations ne peuvent être portées devant la Curie diocésaine, l’Ordinaire, sans préjudice de son droit de suspendre l’accusé a divinis, doit déférer l’entière cause au Saint-Office.

Chapitre IV – La discussion de la cause, de la peine définitive et de l’appel

  1. L’Ordinaire, dès réception des actes, à moins qu’il ne veuille procéder lui-même à la condamnation définitive, délègue un juge (cf. n° 5), différent, dans la mesure du possible, de celui qui a mené l’enquête ou la mise en accusation. (cf. Canon 1941, §3). Toutefois, le juge, qu’il soit l’Ordinaire ou son délégué, donne à l’avocat de l’accusé, selon sa prudence, un délai convenable pour préparer la défense et la déposer en deux exemplaires, un exemplaire étant à donner au juge lui-même et l’autre au promoteur de justice (cf. Canons 1862-63-64). Le promoteur de justice, lui aussi, dans un délai également fixé par le juge, doit présenter par écrit son dossier d’accusation (requisitoriam) comme on l’appelle maintenant (formule Q).
  2. Enfin, après un délai convenable (Canon 1870), le juge, suivant sa conscience formée par les actes et les preuves (Canon 1869), prononcera la décision définitive, soit de condamnation [sententia condamnatoria], s’il est certain du crime, ou de l’acquittement [sententia absolutoria], s’il est certain de l’innocence [de l’accusé] ; ou de libération [sententia dimissoria], s’il est invinciblement douteux faute de preuves.
  3. La sentence écrite est rédigée selon les formules respectives annexées à la présente Instruction, assortie d’un décret exécutoire (Canon 1918), et communiquée préalablement au Promoteur de Justice. Elle est alors notifiée d’office en présence d’un notaire à l’accusé, cité à comparaître à ce titre devant le juge siégeant. Si toutefois l’accusé, refusant la convocation, ne se présente pas, la communication de la condamnation se fait par lettre dont la réception est certifiée par le service public postal.
  4. Tant l’accusé, s’il s’estime lésé, que le promoteur de justice ont le droit de faire appel [de cette sentence] devant le Tribunal Suprême du Saint-Office, conformément à la prescription des canons 1879ff., dans les dix jours de sa communication officielle; un tel appel a un effet suspensif, tandis que la suspension de l’accusé de l’audition des confessions sacramentelles ou de l’exercice du ministère sacré (cf. n° 51), si elle a été imposée, reste en vigueur.
  5. Une fois l’appel régulièrement formé, le juge transmet au Saint-Office dans les plus brefs délais une copie authentique, voire l’original lui-même, de tous les actes de la cause, en y ajoutant tous renseignements qu’il juge nécessaires ou appropriés (Canon 1890).
  6. Enfin, en ce qui concerne le recours en nullité, s’il y a lieu, les prescriptions des canons 1892-97 doivent être scrupuleusement observées ; quant à l’exécution de la sentence, les prescriptions des canons 1920-24 doivent être observées, selon la nature de ces causes.

TITRE TROIS

PÉNALITÉS

 

  1. « Celui qui a commis le crime de sollicitation… est suspendu de la célébration de la messe et de l’audition des confessions sacramentelles et même, vu la gravité du crime, déclaré incapable de les entendre. Il doit être privé de tous bénéfices, dignités, voix active et passive, et doit être déclaré incapable pour tout cela, et dans les cas plus graves, il doit même être soumis à la réduction à l’état laïc [degradatio] ». Ainsi énonce le Canon 2368, §1 du Code [de droit canonique].
  2. Pour une application pratique correcte de ce canon, lors de la détermination, à la lumière du canon 2218, § 1, des peines justes et proportionnées à l’encontre des prêtres reconnus coupables du crime de sollicitation, les éléments suivants doivent être particulièrement pris en compte dans l’évaluation de la gravité du crime, à savoir : le nombre de personnes sollicitées et leur condition – par exemple, si elles sont mineures ou spécialement consacrées à Dieu par des vœux religieux ; la forme de sollicitation, surtout si elle peut être liée à une fausse doctrine ou à un faux mysticisme ; non seulement la turpitude formelle mais aussi matérielle des actes commis, et surtout le lien de la sollicitation avec d’autres crimes ; la durée de la conduite immorale ; la répétition du crime ; la récidive à la suite d’un avertissement et la malice inflexible du solliciteur.
  3. Il n’y a recours à la peine extrême de la réduction à l’état laïc – laquelle pour les religieux accusés peut être commuée en réduction au statut de frère laïc [conversus] – que lorsque, tout bien considéré, il apparaît évident que l’accusé, dans la profondeur de sa méchanceté, a, dans son abus du ministère sacré, avec un grave scandale pour les fidèles et un préjudice pour les âmes, atteint un tel degré de témérité et d’habitude, qu’il ne semble y avoir aucun espoir, humainement parlant, ou presque aucun espoir, de son amendement.
  4. Dans ces cas, les sanctions supplémentaires suivantes s’ajoutent aux peines proprement dites, afin d’assurer que leur effet soit atteint de manière plus complète et plus sûre, à savoir : a) A tous les prévenus condamnés judiciairement seront imposées des pénitences salutaires, adaptées au genre de fautes commises, non en remplacement des peines proprement dites au sens du canon 2312, § 1, mais en complément de celles-ci, et parmi ceux-ci (cf. Can. 2313) principalement des exercices spirituels, à faire pendant un certain nombre de jours dans quelque maison religieuse, avec suspension de la célébration de la messe pendant cette période. b) Aux prévenus qui ont été condamnés et qui ont avoué, en outre, il devrait être imposé une abjuration, selon la variété des cas, du soupçon léger ou fort d’hérésie qu’encourent les prêtres solliciteurs en raison de la nature même du crime, ou voire d’hérésie formelle, si par hasard le crime de sollicitation était lié à un faux enseignement. c) Les personnes en danger de rechute et, plus encore, les récidivistes, doivent faire l’objet d’une surveillance particulière (Canon 2311). d) Autant de fois que, dans le jugement prudent de l’Ordinaire, il semble nécessaire soit pour l’amendement du délinquant, la suppression d’une occasion proche [de péché], ou la prévention ou la réparation du scandale, il doit être ajouté un l’ordre de vivre dans un certain lieu ou une interdiction similaire (Canon 2302). e) Enfin, puisque, en raison du sceau sacramentel, il ne peut jamais être tenu compte dans le for externe du crime d’absoudre un complice, tel que cela est décrit dans la Constitution Sacramentum Poenitentiae, à la fin de la peine de condamnation il faut ajouter un avertissement à l’accusé que, s’il a absous un complice, il doit pourvoir à sa conscience en recourant à la Sacrée Pénitencerie.
  5. Conformément à la norme du Canon 2236, §3, toutes ces peines, en tant qu’elles sont imposées par la loi, ne peuvent, une fois qu’elles ont été appliquées par le juge d’office, être remises que par le Saint-Siège, par l’intermédiaire de la Sacrée et Suprême Congrégation du Saint-Office.

TITRE QUATRE

COMMUNICATION OFFICIELLE

 

  1. Aucun Ordinaire ne doit s’abstenir d’informer immédiatement le Saint-Office dès qu’il reçoit une dénonciation du crime de sollicitation. S’il s’avère qu’il s’agit d’un prêtre, séculier ou religieux, ayant sa résidence dans un autre territoire, il doit en même temps envoyer (comme déjà dit plus haut, n° 31) à l’Ordinaire du lieu où réside actuellement le prêtre dénoncé ou, si celle-ci est inconnue, au Saint-Office, une copie authentique de la dénonciation elle-même avec les diligences effectuées le plus complètement possible, accompagnée des informations et déclarations appropriées.
  2. Tout Ordinaire qui a engagé une procédure contre un prêtre solliciteur ne doit pas manquer d’informer la Sacrée Congrégation du Saint-Office et, s’il s’agit d’un religieux, le Supérieur général du prêtre également, de l’issue de la cause.
  3. Si un prêtre reconnu coupable du crime de sollicitation, ou même simplement admonesté, transférait sa résidence dans un autre territoire, l’Ordinaire a quo devrait immédiatement avertir l’Ordinaire ad quem du casier du prêtre et de sa situation juridique.
  4. Si un prêtre qui, pour cause de sollicitation, a été suspendu d’entendre les confessions sacramentelles, mais non de la prédication sacrée, devait se rendre dans un autre territoire pour prêcher, l’Ordinaire de ce territoire devrait être informé par son Supérieur, séculier ou religieux, qu’il ne peut être employé pour l’audition des confessions sacramentelles.
  5. Toutes ces communications officielles se feront toujours sous le secret du Saint-Office ; et, puisqu’elles sont de la plus haute importance pour le bien commun de l’Église, le précepte de les faire est obligatoire sous peine de péché grave.

TITRE CINQ

CRIMEN PESSIMUM

 

  1. On entend ici par crimen pessimum [« le crime le plus ignoble »] tout acte obscène extérieur, gravement coupable, perpétré ou tenté par un clerc de quelque manière que ce soit avec une personne de son sexe.
  2. Tout ce qui a été établi jusqu’ici concernant le crime de sollicitation est également valable, avec le changement seulement de ce que la nature de l’affaire exige nécessairement, pour le crimen pessimum, si quelque clerc (à Dieu ne plaise) se trouve accusé de celui-ci devant l’Ordinaire local, sauf que l’obligation de dénonciation [imposée] par le droit positif de l’Église [ne s’applique pas] à moins qu’elle ne soit peut-être jointe au crime de sollicitation dans la confession sacramentelle. Pour déterminer les sanctions contre les délinquants de ce type, en plus de ce qui a été dit ci-dessus, le Canon 2359, § 2 doit également être pris en considération.
  3. Est assimilé au crimen pessimum, en ce qui concerne les effets pénaux, tout acte obscène externe, gravement coupable, perpétré ou tenté par un clerc de quelque manière que ce soit avec des enfants préadolescents [impuberes] de l’un ou l’autre sexe ou avec des animaux bruts (bestialitas) .
  4. Contre les clercs coupables de ces crimes, s’ils sont des religieux exempts – et à moins que le crime de sollicitation n’ait lieu en même temps – les Supérieurs religieux peuvent également procéder, selon les sacrés Canons et leurs Constitutions propres, soit administrativement, soit judiciairement. Cependant, ils doivent toujours communiquer une sentence rendue, ou une décision administrative dans les cas les plus graves, à la Suprême Congrégation du Saint-Office. Les Supérieurs d’un religieux non exempté ne peuvent procéder que par voie administrative. Dans le cas où le coupable a été exclu de la vie religieuse, l’expulsion n’a d’effet qu’après avoir été approuvée par le Saint-Office.

 

D’UNE AUDIENCE AVEC LE SAINT-PÈRE, 16 MARS 1962

 

Sa Sainteté le Pape Jean XXIII, lors d’une audience accordée au Très Éminent Cardinal Secrétaire du Saint-Office le 16 mars 1962, a gracieusement approuvé et confirmé cette Instruction, ordonnant aux responsables de l’observer et de veiller à ce qu’elle soit observée dans ses moindres détails.

 

Donné à Rome, du Bureau de la Sacrée Congrégation, le 16 mars 1962.

L.+S. A. CARD. OTTAVIANI

Traduit de l’anglais par l’association C’est à dire – 31 octobre 2021

 

RESCRIPTUM EX AUDIENTIA SS.MI

 

Sa Sainteté le Pape François, dans l’audience accordée à Son Excellence Mgr Edgar Peña Parra, Suppléant aux Affaires générales de la Secrétairerie d’État, le 4 décembre 2019, a décidé de publier l’Instruction sur la confidentialité des procédures judiciaires, jointe au présent Rescriptum, dont il fait partie intégrante.

Le Saint-Père a déterminé que le Rescriptum sera d’application ferme et stable, nonobstant toute disposition contraire, même s’il est digne d’une mention spéciale, qu’il sera promulgué par publication dans L’Osservatore Romano, avec effet immédiat, puis publié dans le commentaire officiel Acta Apostolicae Sedis.

 

Du Vatican, le 6 décembre 2019

 

LE CARDINAL PIETRO PAROLIN

Secrétaire d’État

INSTRUCTION

Sur la confidentialité des procédures judiciaires

 

  1. Le secret pontifical ne s’applique pas aux accusations, procès et décisions portant sur les infractions visées à :
  2. a) L’article 1er du Motu proprio « Vos estis lux mundi » (7 mai 2019) ;
  3. b) L’article 6 de la Normae de gravioribus delictis réservé au jugement de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, conformément au Motu proprio « Sacramentorum Sanctitatis Tutela » de saint Jean-Paul II (30 avril 2001), et ses modifications ultérieures.
  4. Le secret pontifical ne s’applique pas non plus lorsque de telles infractions ont été commises en conjonction avec d’autres infractions.
  5. Dans les cas visés au n° 1, les informations sont traitées de manière à assurer leur sécurité, leur intégrité et leur confidentialité conformément aux prescriptions des canons 471, 2° CIC et 244 §2, 2° CCEO, dans le souci de protéger la réputation, l’image et la vie privée de toutes les personnes impliquées.
  6. Le secret professionnel ne fait pas obstacle à l’accomplissement des obligations prévues en tous lieux par les lois civiles, y compris les obligations de déclaration, et à l’exécution des demandes exécutoires des autorités judiciaires civiles.
  7. La personne qui dépose le rapport, la personne qui prétend avoir été lésée et les témoins ne sont tenus à aucune obligation de silence sur les questions concernant l’affaire.

 

 

INFORMATIONS COMPLEMENTAIRES

1.     Article 6 de la Normae de gravioribus delictis (21 mai 2010)

  • 1. Les délits les plus graves contre les mœurs qui sont réservés à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi sont :

1° le délit contre le sixième commandement du Décalogue commis par un clerc avec un mineur de moins de dix-huit ans ; dans ce nombre, une personne qui a habituellement l’usage imparfait de la raison doit être considérée comme équivalente à un mineur.

2° l’acquisition, la possession ou la diffusion par un clerc d’images pornographiques de mineurs de moins de quatorze ans, à des fins de gratification sexuelle, par quelque moyen ou par quelque technologie que ce soit ;

  • 2. Le clerc qui commet les délits mentionnés ci-dessus au § 1er est puni d’après la gravité de son crime, sans exclure la révocation ou la déposition.

2.     Motu proprio « Vos estis lux mundi » (7 mai 2019)

Art. 1 – Domaine d’application

  • 1. Les présentes normes s’appliquent en cas de signalements relatifs à des clercs ou à des membres d’Instituts de vie consacrée ou de Sociétés de vie apostolique, et concernant :
  1. a) les délits contre le sixième commandement du Décalogue consistant à :
  2. contraindre quelqu’un, avec violence ou menace ou par abus d’autorité, à accomplir ou subir des actes sexuels ;
  3. accomplir des actes sexuels avec un mineur ou avec une personne vulnérable ;

iii. produire, exhiber, détenir ou distribuer, même par voie informatique, du matériel pédopornographique, ainsi que recruter ou inciter un mineur ou une personne vulnérable à participer à des exhibitions pornographiques ;

  1. b) les comportements dont se rendent auteurs les sujets dont il est question à l’article 6 consistant en des actions ou omissions directes visant à interférer ou éluder des enquêtes civiles ou des enquêtes canoniques, administratives ou pénales ouvertes à l’encontre d’un clerc ou d’un religieux pour des délits mentionnés à la lettre a) du présent paragraphe.
  • 2. Dans les présentes normes, on entend par :
  1. a) « mineur » : toute personne âgée de moins de dix-huit ans ou équiparée comme telle par la loi ;
  2. b) « personne vulnérable » : toute personne se trouvant dans un état d’infirmité, de déficience physique ou psychique, ou de privation de liberté personnelle qui, de fait, limite, même occasionnellement, sa capacité de compréhension ou de volonté, ou en tout cas de résistance à l’offense ;
  3. c) « matériel pédopornographique » : toute représentation, indépendamment du moyen utilisé, d’un mineur impliqué dans une activité sexuelle explicite, réelle ou simulée, et toute représentation d’organes sexuels de mineurs à des fins principalement sexuelles.

Art. 6- Domaine subjectif d’application

Les normes procédurales du présent titre s’appliquent aux cas de comportements visés à l’article 1, dont se rendent auteurs :

  1. a) des Cardinaux, Patriarches, Evêques et Légats du Pontife romain ;
  2. b) des clercs qui sont ou ont été préposés à la conduite pastorale d’une Eglise particulière ou d’une entité assimilée, latine ou orientale, y compris d’Ordinariats personnels, pour les faits commis durante munere ;
  3. c) des clercs qui sont ou ont été préposés à la conduite pastorale d’une Prélature personnelle, pour les faits commis durante munere ;
  4. d) des personnes qui sont ou ont été Modérateurs suprêmes d’Instituts de vie consacrée ou de Sociétés de vie apostolique de droit pontifical, ainsi que de Monastères sui iuris, pour les faits commis durante munere.