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L’abus spirituel

L’ABUS SPIRITUEL.

Docteur Isabelle Chartier Siben.

02/2019

 

 

A  Qu’ est-ce qu’un abus spirituel ?

On sait ce qu’est une maltraitance physique, un coup, une claque, des cheveux tirés au maximum un meurtre.

On imagine ce que sont des manipulations mentales, avec à l’extrême un lavage de cerveau.

Les abus spirituels sont plus difficiles à définir car ils ne touchent pas simplement la personne dans son identité, dans sa complexité mais ils touchent au domaine de la relation.  Relation à soi-même, relation à Dieu ou à un principe de vie extérieur à soi-même mais aussi relations à ce même Dieu ou ces principes de vie intérieurs à soi.

On peut parler d’abus spirituel lorsqu’au nom d’une autorité spirituelle ou dans un contexte spirituel (paroisse, diocèse, groupes de prière, communautés religieuses, mais aussi accompagnement spirituel…) des maltraitances sont perpétrés. Mais on peut également parler d’abus spirituel en dehors d’un contexte spirituel lorsque la maltraitance va avoir pour conséquence un détournement de la croyance, lorsque la maltraitance va toucher le cœur profond de la personne.

Les abus spirituels sont perpétrés par excès, par des maltraitances actives, ou par défaut, par abstention, en plus ou en moins. Je dis en moins car en certaines circonstances ne rien faire c’est aussi abuser, en particulier lorsqu’une personne dépositaire de l’autorité spirituelle n’exerce pas ses responsabilités alors que l’on se croit protégé. 

 

Des personnes sont abusées pendant leur accompagnement spirituel ou le sacrement de réconciliation, des religieux, religieuses sont abusés au sein de leur congrégation, au sein de leur communauté. Des personnes ont subi des pressions pour entrer dans telle ou telle communauté, d’autres ont été obligées de sortir ou ont été forcées à sortir, d’autres encore se meurent dans des communautés déviantes mais ne sauraient pas où aller si elles sortaient. Des hommes ont été ordonnés prêtres alors qu’ils ne le souhaitaient pas, leur liberté ayant été empêché de s’exprimer ou leur désaccord n’ayant pas été respecté.

 

On peut quitter sa communauté ou son état de vie parce que l’on en a assez et que l’on a envie d’aller voir ailleurs, parce que l’on tombe amoureux, parce que l’on n’est pas heureux, mais ce n’est pas de cela dont on parlera, ici. On va parler de ceux qui ont quitté suite à des maltraitances graves perpétrées au nom de l’amour de Dieu.

On peut commettre des erreurs, on peut choisir de renoncer à ses engagements, mais ce n’est pas de cela dont on parlera, ici. On va parler de ceux et celles dont le discernement a été empêché de s’exercer, dont la liberté a été bafouée.

 

J’aimerais, tout d’abord, que l’on réfléchisse sur le pourquoi de ces abus spirituels. Et le contexte religieux est un lieu facile pour exercer ces horreurs. On le voit dans toutes les religions et dans toutes les sectes. Il faut reconnaître que la proie est facile. Il s’agit d’une personne dont le désir est fort, celui d’une vie en Dieu, et qui est prête à faire confiance et à beaucoup d’efforts pour cheminer dans cette voie-là.

La personne a soif d’absolu, est prête à se donner toute entière.

La vraie question est : à qui se donne-t-elle ?

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J’insiste en cet instant pour dire avec assurance qu’il n’y a pas de personnes type bonne à se faire abuser. Cela rassure ceux qui n’ont pas été abusés de penser cela et cela culpabilise injustement ceux qui l’ont été. La seule chose sur ces 30 dernières années que j’ai pu repérer c’est que des personnes qui ont des exigences supérieures, une volonté de se donner totalement, un degré supérieur de confiance seront des cibles plus intéressantes pour l’abuseur.

Il y a donc une personne qui est en recherche et en face une personne qui va opérer un rapt de son désir, de son bon désir :

– Au profit de son narcissisme et de ses intérêts particuliers : que sont le pouvoir, l’argent, le prestige, le sexe (combien de jeunes consacrés se sont fait abuser parce qu’on leur a dit que la relation sexuelle était autorisée et bonne parce qu’ils étaient des élus, que la relation était  juste car voulue par  Dieu) ….

– Au profit d’un projet (bon ou mauvais) en tout cas ayant l’apparence du bon, de l’indispensable :

Exemple : – Formation des jeunes.

                 – Construction d’une chapelle.

                 – Kermesse de la paroisse.

 

Ici la fin va justifier les moyens, tous les moyens.

– Au profit d’une cause :

Rachat des âmes du purgatoire

Santé d’un supérieur de la communauté

Détresse des enfants d’un pays en guerre

Évangélisation du monde

 

Ce projet ou cette cause vont devenir un enjeu supérieur à l’équilibre de la personne elle-même, en particulier spirituel. L’identité de la personne va disparaître au profit de, va se diluer dans un nous collectif.

Les abus par manque s’exercent :

– Par lâcheté

– Par indifférence

– Par égoïsme

– Par corporatisme, on se soutient on se protège

– Par paresse ou déficience intellectuelle, en tout cas par incompétence

Que ce soit par excès ou par défaut ce sont des situations de tromperie, de trahison, de viol en tout cas quelque chose en lien avec la confiance et la conscience.

C’est lorsque qu’il y’a volonté délibérée de destruction de la part de l’abuseur que l’on peut parler de perversité : il y a alors une jouissance personnelle à détruire l’autre.

Le phénomène même de l’abus par excès ou par défaut va faire croire aux bons guides, au bon chemin, à l’aide efficace vers Dieu.

On se dit comment cela est-il possible, pourquoi la personne ne fait-elle pas marcher son intelligence, son cœur, son discernement pour ne pas tomber dans les pièges d’un abuseur ?

Si un jour quelqu’un va se confesser à un prêtre inconnu et que ce dernier lui dit « tu dois participer à telle mission », ou bien s’il lui dit : je te paie pour que tu sois prêtre, si la personne est bien formée et libre, elle saura immédiatement se rendre compte de l’autoritarisme et de l’imposture spirituelle.

Ce qui est bien plus grave c’est lorsque la personne ne peut pas reconnaitre la tromperie, car l’abus est précédé et accompagné par toute une série de malhonnêtetés. Et ces malhonnêtetés ne peuvent pas être reconnues comme telles, ni par la personne abusée ni par son environnement. Par exemple : « j’ai beaucoup prié et j’ai reçu de la Vierge que ta place était dans telle communauté ». Il faut être formé pour savoir que le discernement ne peut venir « qu’en soi », de sa relation personnelle au Seigneur, et ne peut être imposé par qui que ce soit, même si évidemment le discernement doit être accompagné ; accompagné mais pas volé.

Cette situation d’abus est différente de celle où quelqu’un veut imposer visiblement un certain chemin. Dans cette situation la personne a une possibilité de discernement, la liberté et l’autonomie sont respectées, en tout cas la conscience de ce qu’il se passe est préservée.

En cas d’abus il va y avoir détournement des intentions (union à Dieu et charité), un rapt de l’intention première, et une réorientation dont la personne ne pourra pas s’apercevoir. Le maître mot est à l’insu.

 

En conclusion de cet essai de définition de l’abus spirituel je dirai que pour ce type d’abus l’aspiration à l’union à Dieu comme fin et la conversion comme moyen sont reconnus, valorisés mais captés et détournés.

 

 

L’abus spirituel peut être unique ou multiple. S’il est répété, la tromperie initiale évoluera obligatoirement vers une mise sous emprise plus générale.

 

 

 B La mise sous emprise est un processus, processus qui comprend plusieurs étapes.

 

1/ La première étape est la mise en relation entre deux personnes ou entre une personne et une communauté ; mais cette mise en relation n’est pas saine car elle comprend soit de la séduction, soit de la sollicitude mal placée soit de la flatterie ou tout autre comportement qui n’est pas dans le respect total de l’autre.

Ainsi une personne est en recherche du beau, du bien, du bon, est en quête de sens ; et ce qu’on lui propose correspond exactement à ses aspirations, croit-elle. Elle a souvent beaucoup cherché et elle pense ainsi être arrivée à bon port, reconnue et aimée pour ce qu’elle est. Elle est comme mise en lumière. Elle peut même se retrouver dans un état émotionnel proche de l’état amoureux.

Évidemment le projet de Dieu est séduisant en soi car il est prometteur de vie mais la proposition de Dieu par l’amour, le dialogue, la liberté, la gratuité et surtout la vérité s’oppose radicalement à la séduction du tentateur, du père du mensonge.

Ici, si l’on s’imagine en train de faire de la pêche à la ligne, on peut dire que le poisson à mordu à l’hameçon, il avait faim, il a cru que c’était bon mais il n’a pas vu que dans le vers au bout du fil il y avait un hameçon.

2/ La deuxième étape est la mise sous dépendance. Pour notre pêche à la ligne, il faut ferrer le poisson pour qu’il ne s’échappe pas.

Ainsi ce premier lien qui s’est établi et qui n’est pas tout à fait juste, à la place de s’orienter vers un mieux et d’évoluer vers plus de liberté, plus de respect mutuel va se refermer, va dériver.

Comment cette dérive s’installe-t-elle ?

Ici je vais énumérer ce que j’ai pu observer :

  • Les liens sont dits privilégiés, soi-disant voulus par Dieu, d’une valeur inestimable ; ils permettent de participer à l’intimité même de la trinité divine… On parle d’amitié particulière, très spéciale ; amitié qui passe par de la tendresse charnelle car Jésus s’est incarné etc, etc
  • Sollicitation extrême empêchant la personne visée d’avoir le temps ou l’énergie ou la liberté de penser par elle-même,
  • Isolement de la personne par le biais de contraintes ou de secrets partagés,
  • Apparition d’un langage propre au groupe non compréhensible par l’extérieur,
  • Mais aussi échange de promesses,
  • Ou rythme de vie ou de prières ou d’actes de charité imposé dans les moindres détails et qui vont conditionner les personnes,
  • Ou partage d’un état soi-disant de martyr ; en particulier lorsqu’une décision d’Église, canonique, est prise à l’encontre d’une personne ou d’une communauté et qu’elle n’est pas acceptée par les impétrants. Il y a des gens qui vont alors faire corps pour soutenir le fondateur ou l’orateur ou le responsable en faisant tout à fait fi des demandes de l’Église.

Cette situation est malheureusement très fréquente et cela pose la question : que peut-on faire pour que des personnes ne se referment pas dans un groupe dysfonctionnel ?

 

On le voit, au cours de cette deuxième étape de mise sous dépendance la personne intègre un système d’appartenance qui lui apparait non seulement protecteur mais aussi salvateur. Le système, lorsqu’il est abusif, l’enferme et lui fait perdre sa liberté.

 

3/ C’est maintenant que peut survenir la troisième étape, celles des maltraitances ; maltraitances que la personne ne pourra pas dénoncer car elle est maintenant trompée et liée au système et croit bénéficier de la « grâce » du groupe ou de la relation particulière. 

 

Énormes ou petits et multiples les abus sont autorisés soi-disant pour un mieux-être, pour une raison écologique ou sociale, en milieu chrétien ce sera « pour la gloire de Dieu », « pour la mission », « pour le service de l’Église », « pour une meilleure union à Dieu ».

En réalité ces actes vont servir, on l’a vu précédemment, le narcissisme, la jouissance, le goût du pouvoir, de l’argent …et parfois la folie de l’abuseur.

Et parfois on préfère fermer les yeux, trouver des circonstances atténuantes, inverser les responsabilités pour pouvoir continuer à faire ce transfert de notre désir de pureté, de perfection, de sainteté sur cette personne éminemment charismatique ; désirs que nous portons chacun au plus profond de nous-mêmes, plus forts que la réalité et qui nous sécurisent.

 

# Elles peuvent être de tous ordres et communs à tous les milieux :

 

  • Malversations administratives et financières

 

  • Manipulations mentales, abus psychologiques par le biais d’une boite à outils riche et variée mais dont les principaux sont le mensonge, les humiliations, les moqueries, le doute sur la parole, les émotions, menaces, infantilisation, injonction paradoxale, chantage…. je m’arrête tout de même sur la diffamation, les rumeurs qui vont toucher ceux qui essaient de dénoncer les mauvais fonctionnements. « tous ceux qui disent risquent gros » ….

 

  • Mais aussi parfois procédés à peine perceptibles et souterrains, un peu comme les images subliminales glissés dans les publicités

 

  • Abus physiques

 

Prescription abusive de médicaments en particulier des psychotropes (pour mieux prier, pour se reposer…) ou à l’inverse refus d’une médication scientifiquement reconnue ; les deux cas peuvent relever de l’exercice illégal de la médecine

Non-respect du temps de sommeil

Excès de travail

Mauvaise alimentation

Coups

– Abus sexuels (exhibitionnisme, atteinte sexuelle (dès lors qu’une partie du corps considérée comme sexuelle est touchée : lèvres, seins, cuisses, fesses et évidemment sexe), agressions (atteinte sexuelle avec violence, contrainte, menace ou surprise, c’est-à-dire dès lors qu’il n’y a pas de consentement clairement exprimé) et viol ; je m’arrête un instant sur les abus sexuels car ils sont souvent difficilement et beaucoup trop tardivement reconnus par les victimes. Très souvent dans le monde religieux les abus sexuels vont être très progressifs endormant la méfiance, une main dans la main, un genou contre un genou, tête contre tête puis une main sous le chemisier, puis sur les seins, puis entre les jambes puis …je m’arrête.

 

 

## Les abus spécifiques au monde chrétien :

 

  • Des notions bonnes, traditionnelles de l’Église (ou vertus) vont être détournées, dévoyées :

 

  • L’obéissance devient abus d’autorité, mise en esclavage=prise de pouvoir

L’autoritarisme s’exerce en prenant pour nom le devoir d’obéissance

  • L’humilité devient humiliation

Les humiliations sont autorisées sous prétexte d’humilité

  • Le don de soi devient meurtre psychique ou autorise l’abus sexuel
  • Le pardon alors qu’il n’y a pas encore reconnaissance de l’ampleur des conséquences de l’abus voire avec l’inversion des protagonistes : on demande à l’abusé de demander pardon à l’abuseur.
  • Le silence devient parole verrouillée (déni et silence imposé). Ce silence va permettre d’agir en toute impunité.

         = cacher la vérité lors du passage de responsables, d’évêques, de visites canoniques

         = ne pas divulguer les « grâces particulières reçues » (empêchant ainsi tout discernement vrai) jusqu’à devenir « un secret divin »

         = préserver « l’équilibre de la communauté », ainsi les difficultés ne sont pas partagées et les choses, les réunions, les décisions importantes sont faites en cachette et organisées de façon à ne pas être connues.     

         = « signe d’un avancement dans la vie spirituelle » (ainsi personne ne sait que tout le monde vit la même horreur)

         = ou encore ce que j’appelle un silence délirant au prétexte que l’humanité ou l’Église n’est pas encore prête pour recevoir tel ou tel message

 

  • La compassion qui est souvent sollicitée par l’abuseur pour commettre son méfait : « j’ai besoin de cette faveur pour vivre de manière équilibrée ma mission »…

 

  • La miséricorde, qui pardonne et protège l’abuseur et surtout qui ne pose pas l’interdit.

 

  • La louange devient déni de réalité voire acte magique.

 

  • Les prières de délivrance voire les exorcismes peuvent être des armes redoutables pour faire taire les personnes. Devant tout questionnement, toute critique il est demandé de rencontrer le prêtre « spécialisé » et la prière ainsi admonestée viendra sceller l’abus dans le silence et la culpabilité d’une soi-disant infestation démoniaque. On touche là à l’extrême des abus spirituels.

 

 

 

  • En dehors de ces vertus traditionnelles qui sont dévoyées on a aussi des obligations trompeuses telle :

 

  • L’obligation de la non-critique qui mise en place pour éviter les cancanages ou les murmures devient refus de réflexion autour des réels problèmes et suppression du discernement. Aux questions que l’on pose, on répond : » fais confiance ».

 

  • La transparence qui fait référence à la transparence de Marie à l’Esprit Saint devient levée du secret d’accompagnement, du secret de confession, obligation absolue de tout dire à son supérieur (forçage du for interne). Transparence mal utilisée qui bien souvent s’oppose au secret professionnel tout à fait obligatoire et fait des ravages car expose l’intime même des personnes aux yeux et aux sus de tous et rend possible une manipulation extrême.

 

  • Menaces spirituelles (ex : si tu révèles ceci tu devras t’en confesser, si tu te confesses à tel prêtre tu seras responsable des difficultés de la communauté, ne t’en confesse pas à quelqu’un d’autre qu’à moi ou bien encore : « dis que tu as péché contre la chasteté » après un viol… )

 

 

  • Confusion for interne, for externe.

 

  • La fascination et le goût pour des personnalités charismatiques. La recherche d’absolu va se confondre avec la fixation sur une personne et va figer cette personne sur un piédestal. On lui laisse alors tout faire.

 

 

 

C la pérennité du système

 

On voit que l’usage de l’autorité spirituelle va considérablement favoriser tous ces abus.

Mais cette autorité spirituelle est également facilitée par la proximité de la démarche et des moyens avec un vrai cheminement vers Dieu (se dépouiller du vieil homme, l’alternance de lumières et nuits spirituelles, l’héroïcité de la foi, l’union aux souffrances du Christ, l’abandon à la providence…). Cette proximité va empêcher la personne de prendre conscience de la nocivité de ce qu’elle vit car elle ne saura pas à quoi attribuer ce qu’elle perçoit.

La personne abusée peut être isolée mais l’abus peut aussi s’exercer dans une communauté dysfonctionnelle ou dans une bulle au sein d’une communauté, « une élite » par exemple : paroissiale, diocésaine, de vie….

Les membres de la communauté ne sont pas du tout atteints de la même manière et cela est très important à savoir car rendra très difficile une juste reconnaissance des faits. L’abuseur pourra être très respectueux avec l’un et pervers avec un autre.

Tout cela est fonction de l’intérêt de la personne victime pour l’abuseur.

Ainsi après le premier abus l’abuseur sera obligé de mettre en place un système d’emprise à destination de plusieurs typologies de personnes :

 

     –   La victime

     –   Les relations de la victime

     –    Les supérieurs et la hiérarchie

 

  • Mais aussi les proches, les médias, les institutions ….

sous peine d’être démasqué et condamné puisque l’acte est condamnable en soi. L’abuseur voudra continuer à commettre les abus et maltraitances s’il le peut mais devra obligatoirement en plus gérer un système global et collectif d’emprise pour que les autres ne voient pas.

L’abuseur dispose comme on l’a vu d’une boîte à outils de nature psychologique et spirituelle non exhaustive. Liste qui maintient la victime dans l’abus et anesthésie les personnes autour. Cela assure la pérennité du système.

 

D Les conséquences

 

En milieu religieux toutes ces maltraitances et ces dérapages vont intervenir dans un bain de prière, de louange, d’ambiance religieuse et c’est cela qui va faire perdre à la personne tous ses repères : repères cognitifs mais aussi repères émotionnels et repères spirituels. La personne ne sait plus où elle en est, elle ne peut plus se référer à son ressenti intérieur puisqu’il y a à la fois du bon et du mauvais que l’on appelle bon ; après un certain temps son intelligence va abdiquer, d’abord un peu et puis complètement puisqu’elle ne peut plus se fier ni à son bon sens, ni à sa réflexion, ni à ses sensations, ni à ses émotions.

Ne pouvant plus se fier à elle-même, elle va alors se fier entièrement à l’autre, à l’abuseur ou au système abusif.

Un traitement comme cela entraîne chez la victime une très grande confusion voire une dissociation, une perte d’identité, une dépersonnalisation auxquelles s’associent une perte des acquis antérieurs mais aussi des maladies physiques et mentales.

 

La victime peut aller jusqu’à anticiper les désirs de l’abuseur. (cf lavages de cerveaux lors de la torture)

 

Au phénomène d’emprise s’ajoutent les conséquences des maltraitances et en particulier des abus sexuels qui réalisent alors le plus souvent un tableau de trauma psychique caractérisé. Avec en particulier ce que l’on appelle le syndrome de répétition, c’est-à-dire la répétition du traumatisme à l’infini alors que celui-ci n’a plus lieu. Cela se manifeste par des reviviscences, reviviscences émotionnelles (angoisses non expliquées, vertiges) mais aussi sensorielles (visuelles, auditives et surtout olfactives), des hallucinations, illusions, cauchemars de répétition mais aussi par des évitements : la personne ne peut plus supporter tout ce qui peut lui rappeler de près ou de loin tous les abus. A terme cela peut conduire à des modifications de personnalité.

 

 

En conclusion l’emprise dans un contexte religieux correspond à une aliénation mentale, psychologique et spirituelle qui va altérer les capacités de discernement et qui va endormir la conscience ouvrant la porte aux abus.

Ce processus va ainsi conduire les personnes abusées à devenir des marionnettes ou des pions entre les mains de l’abuseur. Les marionnettes vont reproduire le schéma mortifère. Les pions vont être jetés lorsqu’ils ne serviront plus.

Ce système ou cette relation interpersonnelle sera marqué par le fait que rien ne doit transparaitre à l’extérieur. L’abuseur ou le système abusif doit apparaitre parfait voire plus que parfait.

 

 

 

Paru dans la documentation catholique le 29/09/2021